Récit de vie de Kewan Mertens
Kewan est un post-doctorant bilingue de la VUB, très engagé dans un projet politique. Il a participé au projet « Do It with Africa » en 2008 et aujourd’hui il n’est plus totalement en accord avec le projet de DBA, même si cette expérience l’a forgé et qu’il en a un super souvenir. « Il y a toujours ce besoin chez moi d’avoir un sentiment de contribuer ; en fait à améliorer notre société. »
Kewan a grandi dans une fratrie de quatre garçons. Tous les quatre ont évolué en s’engageant dans des projets citoyens, solidaires ou écologiques, chacun à leur façon mais tous soutenus par leurs parents. Depuis toujours, il y a eu une certaine fascination dans sa famille pour l’Afrique, même s’ils n’y sont allés qu’une seule fois.
« La fascination je crois, un peu belge, avec son sentiment de culpabilité, aussi l’histoire du Congo et tout ça. »
Ses parents sont de « gauche alternative » comme il dit. De plus, dès son adolescence, il s’intéresse à la conscience politique et aux inégalités Nord-Sud. « J’étais déjà fort concerné par les inégalités Nord-Sud et par des questions climatiques etc. Je commençais à me former dans ma vision politique aussi et aussi j’étais dans une école avec un public qui n’était pas vraiment le mien. » C’est en ressentant un manque de ces stimulations réflexives à l’école qu’il décide de participer au projet « Do It with Africa », afin de rencontrer des personnes avec d’autres valeurs.
Kewan vit l’expérience d’immersion « Do It with Africa » comme une belle expérience, qui l’a forgé d’une certaine façon. « Ça a donné une direction à une volonté d’engagement qu’il y avait déjà. Ou une frustration avec la situation et une envie de d’ajouter ma pierre à l’édifice. » Après plusieurs années de réflexion, de manière rétrospective Kewan ne se positionne plus totalement en accord avec le projet, qu’il qualifie plus de « volontourisme ». « Avec DBA c’est très très encadré. C’est comme une bulle et c’est du “volontourisme”, après le volontourisme avec une formation avant et qui forme des jeunes qui probablement seraient partis en volontoursime d’une autre façon. »
L’année suivante, Kewan a du faire son choix d’études supérieures. Il se dirige vers les études de bio-ingénieur après avoir vu le film de Al Gore « An inconvenient Truth ». « Bio-ingénieur parce que je voulais résoudre le problème du changement climatique. » Il se rendra compte plus tard que ce n’est pas un problème technique mais un problème sociétal. Durant son bachelier à Leuven, il s’engage dans un groupe d’étudiants Nord-Sud qui mobilise des étudiants face aux questions Nord-Sud « peu politisé », selon lui.
Pour son master, Kewan est parti étudier à Gand un master de gestion des forêts. « C’est un très beau choix que j’ai fait parce que ça m’a ça m’a fait rencontrer plein de gens beaucoup plus engagés, beaucoup plus ouverts. »
Il est parti en Éthiopie pour la réalisation de son mémoire, une expérience qu’il a vécu comme une des meilleures. Il s’est senti en réelle immersion dans le peuple éthiopien, un pays qui n’a jamais été colonisé, ce qui se ressent selon lui. « Je trouve qu’il y avait trop peu de conscience au sein de DBA, en allant au Bénin. On en avait parlé mais on avait parlé de la colonisation comme un truc ancien, tandis que la colonisation c’est un truc actuel, c’est un truc qui reste, qui imprègne les esprits, qui imprègne les cultures, qui forme les relations entre les gens. »
Par la suite, Kewan décida de s’engager dans un doctorat pour lequel il se rend en Ouaganda et au Cameroun. « J’ai passé neuf mois en Ouganda et presque un mois au Cameroun, vraiment dans des villages ruraux sans rien, sans eau ni électricité à faire mon travail avec une équipe. » Pour ceci il a adopté une approche quantitative-économique, mais au fil du temps il s’est rendu compte que cette approche est très limitante au niveau de la compréhension de relations et interactions humaines. C’est en réaction à ceci que, pour son post-doctorat, il décide d’adopter une approche de « géographie sociale », afin de prendre en compte les effets de pouvoirs et les politiques dans les relations humaines.
C’est également durant cette période de doctorat que Kewan s’est engagé auprès du réseau ADES, « Alternatives Démocratique Écologique et Sociale donc c’est vraiment des gens qui se battent pour changer les choses ». Il mobilisa notamment ce réseau afin de se lancer dans un nouveau projet politique avec plusieurs ami·e·s motivé·e·s. C’était suite à une discussion à propos du livre de David Van Reybrouck entre amis que l’idée du projet « Agora » a émergé. « Dans ce livre il argumente que les élections ont beaucoup de désavantages, que, bien qu’il ne faut pas tout flanquer à la poubelle mais qu’il faut penser à des alternatives. Et son argument c’est que tirer au sort des citoyens et les mettre ensemble et leur permettre de délibérer pour faire des propositions peut apporter des nouvelles idées au débat politique et ça m’a fort convaincu. » Kewan est très fier de ce projet, car ça montre qu’il est possible de faire bouger les choses. Le mouvement Agora a obtenu un siège au parlement, et donc ses membres vont pouvoir mettre en place une assemblée où des citoyens seront tirés au sort afin d’apporter de nouvelles idées.
Kewan a toujours eu le sentiment d’être entre deux mondes, l’académique et l’activisme est une sorte de friction en ressort. Il est passé à un travail à mi-temps pour avoir plus de temps à consacrer à son engagement dans le projet Agora.
Son entourage académique ne comprend pas pourquoi il accorde tant de temps à ses engagements activistes et vice versa.
« Mon père est néerlandophone et ma mère est francophone. Et je crois que c’est ça qui m’a fort formé aussi parce que, dans le sens que je suis toujours entre deux mondes. Et je, en fait ça me plait je fais toujours le pont autant sur le plan linguistique que l’Afrique – l’Europe, l’académique – l’activisme. En fait je suis toujours, je me considère comme un pont entre des mondes différents. » Aujourd’hui Kewan voudrait pouvoir accorder moins d’importance à sa carrière, à l’argent, à sa formation etc. Il admire les gens qui s’investissent à 100% dans leurs projets d’engagements citoyens.