Récit de vie de Margot Vermeylen
Margot est une citoyenne engagée de 26 ans, qui milite pour le droit à l’alimentation, la justice sociale et financière, le féminisme et l’écologie. Sa participation au « Do It with Africa » en 2009 a eu un réel impact sur sa vie et son parcours.
Depuis toujours, les voyages ont joué un rôle important dans la vie de Margot. En effet, déjà toute petite, ses parents, surtout sa mère, l’ont emmenée en voyage. C’était essentiellement des longs voyages, souvent chez l’habitant. « Quand j’avais un an, ma mère m’a emmenée avec elle faire le tour de l’Amérique Latine en sac à dos pendant plusieurs mois. Mon père nous rejoignait à certains points de rendez-vous. Ils m’ont aussi emmenée en Inde, en Mauritanie, … Chaque voyage était particulier, chez des amis, des amis d’amis ou entouré de personnes rencontrées sur place. Je pense que mes parents ont toujours privilégié les contacts et les échanges à la quantité. Je n’ai jamais été au Club Med ou autre, ils essayaient de ne pas voyager dans une bulle. Cette manière de voyager m’a permis d’entrevoir différentes cultures et réalités assez vite. »
Ces expériences ont fait que Margot a toujours voulu s’engager dans un projet de solidarité internationale. À ses 12 ans, elle décide naïvement qu’elle s’engagera dès qu’elle pourra pour « aider en Afrique ». Persuadée de devoir attendre ses 18 ans, elle saute sur l’occasion dès qu’elle voit une petite affiche de DBA dans son école. Elle en parle à ses parents, convainc une amie de se lancer dans ce projet avec elle et commence à travailler sur un marché les week-end pour payer une partie du voyage. Elle commence alors la formation DBA qui précède le voyage. « Au fil des week-end, j’ai énormément appris. J’avais 15 ans, et je questionnais beaucoup l’autorité. Ça n’a pas tout de suite été facile de faire partie d’un groupe géré par d’autres jeunes, mais petit à petit, j’ai appris à écouter ceux qui m’entouraient, et à construire mes arguments en écoutant ceux des autres. »
En juillet 2009, elle part donc pour son premier voyage, au Burkina Faso. Elle vit très bien sa première expérience « Do It with Africa », elle se sent à sa place et mesure la chance qu’elle a. Elle se rend vite compte de l’importance du cheminement intérieur grâce à l’échange interculturel, au-delà du projet en lui-même, planter des arbres. « J’ai compris que le but du projet n’était pas « d’aider », en fait, (Qui sommes-nous du haut de nos 15 ans pour aider un pays plein de ressources, plein de personnes beaucoup plus expérimentées que nous ?), mais bien d’échanger, de grandir, de changer nos regards sur le monde et les injustices sur lesquelles notre mode de vie occidental repose. » À son retour, elle décide de s’engager en tant que bénévole dans le staff DBA, et y reste pendant 4 ans. Elle part 3 fois au Bénin. « J’ai donc eu la chance d’approfondir mes connaissances tant sur la gestion de groupe, que sur l’Éduction à la Citoyenneté et les mécanismes mondiaux. Je dois avouer que j’étais très fière d’en apprendre autant alors que je n’avais que 16-17 ans ! » Parallèlement, elle participe également à un projet en Inde avec l’ONG Fondation Damien. Le projet constituait en la construction d’une annexe à un petit dispensaire pour les patients atteints de la tuberculose. « Même si j’ai beaucoup aimé mon voyage en Inde, je n’ai pas accroché à l’approche de cette ONG, qui est beaucoup plus misérabiliste et où le voyage n’est pas une occasion de se confronter à nos privilèges. »
Une chose qui a marqué particulièrement Margot lors de son expérience « Do It with Africa » est une journée passée en immersion dans un village isolé avec une famille burkinabée. Elle se rend compte que la journée de cette famille consiste entièrement à se nourrir : cultiver, récolter, apporter de l’eau, préparer le feu, cuisiner, recommencer. Cette famille vit bien, il ne semble pas y avoir un manque de nourriture criant, mais s’il y a le moindre aléa, une maladie, des frais scolaires ou autres, la famille n’a pas de réserve d’argent. Alors qu’elle travaille tous les jours, cette famille ne semble pas en mesure d’épargner pour faire face aux imprévus. « C’est vraiment une des choses avec lesquelles je suis revenue de ce premier voyage avec DBA : Comment des familles cultivant la terre toute l’année et travaillant chaque jour pouvaient être si proches de l’insécurité alimentaire. » Les pays africains n’étaient donc pas intrinsèquement pauvres, mais il existaient donc des mécanismes qui perpétuaient et accentuaient les inégalités. Cette prise de conscience, accompagnée de la lecture du livre « 60 questions, 60 réponses sur la dette, le FMI et la Banque Mondial » du Comité pour l’abolition des dettes Illégitimes (CADTM) l’ont poussée à approfondir ses connaissance sur les mécanismes derrière les inégalités mondiales. Elle choisit alors de commencer un bachelier en sciences économiques.
Mais, quelques temps après avoir commencé son bachelier à Solvay, elle se rend compte qu’elle est entourée de personnes n’ayant pas les mêmes valeurs qu’elle. Le cursus est axé business et profit, et ne remet pas du tout en question les mécanismes qui ont mené à la crise de 2008, par exemple. Margot se perd pendant quelques années, s’éloigne de son engagement et ne sais plus très bien pourquoi elle a commencé ces études, se sent pris dans un engrenage qui ne lui correspond pas.
Ne sachant plus ce qu’elle veut faire, elle s’éloigne de l’économie pendant un petit temps, faisant un stage en journalisme ou encore un an de formation à la réalisation de documentaires. Enfin, complètement par hasard, elle entend parler d’un Master international à Turin en « Droit comparatif, économie et finance ». Ce Master entend étudier les fondements institutionnels du capitalisme mondial : comment ils sont consolidés dans la pratique juridique, économique et financière, et comment ils sont susceptibles de résistance, de piratage, de contestation et de réforme. « J’avais enfin mon bachelier en poche et je tombe sur ce master qui a l’air dingue, avec des professeur·e·s reconnu·e·s mondialement pour leurs expertises et leurs engagements. Il fallait que je sois prise et que j’y aille, j’avais enfin trouvé quelque chose qui me correspondait réellement. »
Margot part donc à Turin pendant un an, et retrouve une passion pour ses études et ses cours, beaucoup plus ouverts d’esprit, pointus et modernes que ce qu’elle a pu étudier jusqu’à maintenant. Elle décide de s’orienter vers le droit à l’alimentation, qui l’a toujours intéressée. « J’ai eu des cours et des débats sur la question qui me restait depuis mon tout premier voyage au Burkina Faso : pourquoi des millions des personnes vivent-elles dans la faim dans le monde ? Et pourquoi ceux·elles qui sont le plus près de la terre, les paysannes et paysans, sont-il·elle·s souvent parmi les plus pauvres ? »
Une fois son mémoire terminé et rendu à Turin, elle commence un stage chez FIAN Belgium, une ONG belge travaillant sur le droit à l’alimentation et dont Margot à régulièrement consulté les travaux durant son master. Elle y effectue un stage de six mois et travaille principalement sur l’agroécologie et des cas d’accaparement de terres par des entreprises belges. Parallèlement, et afin de pouvoir financer ses ambitions, elle fait quelques choix peu communs, comme retourner habiter chez ses parents ou travailler à mi-temps dans une boulangerie. Aujourd’hui, Margot travaille pour la Coalition Contre la Faim (CCF) qui l’a engagée pour mener une étude sur la part de l’agroécologie dans l’aide publique au développement belge. « En d’autres mots, cette coalition d’ONG belges m’a engagée pour analyser quel type d’agriculture la Belgique promeut à l’étranger via son aide au développement. Les ONG utiliseront ensuite les résultats de l’étude pour faire un plaidoyer auprès des politiques : au vu des défis environnementaux et alimentaires auxquels le monde est confronté, il est impératif de prendre des mesures claires en faveur de l’agroécologie, qui semble être la seule à même de relever ces défis. » L’étude sera bientôt publiée et est co-signée par Olivier De Schutter. Margot est fière et passionnée par le travail qu’elle fait aujourd’hui.
En dehors de la sphère professionnelle, Margot tente de s’impliquer de manière plus concrète dans la transition écologique, en participant à des manifestations et à des actions de désobéissance civile. Elle a par exemple participé à l’action FreeTheSoil, une action de désobéissance civile contre la multinationale d’engrais chimiques YARA. « J’aime le fait d’en même temps travailler depuis mon bureau sur un sujet, puis de pouvoir m’engager de manière plus directe sur ce même sujet, via des manifestations concrètes de désaccords. J’aimerais le faire encore plus même. » Dans son entourage, certain·e·s ne comprennent pas spécialement son engagement. Mais nombreux·ses sont ceux·elles qui la comprennent et s’impliquent petit à petit également pour un monde plus juste, comme son petit frère, sa petite sœur ou son copain. Chaque petit geste plus engagé fait par quelqu’un dans son entourage lui donne de l’énergie et la pousse à être elle-même plus engagée et radicale. Dans le futur, elle aimerait persister dans ses engagements, et poursuivre son apprentissage pour acquérir un vraie expertise sur des sujets tels que la justice fiscale, l’évasion fiscale et les dettes illégitimes.